Nîmes s’illustre, à travers Sarah Dubois, est heureux d’avoir mené avec La Croix Rouge de Nîmes la première partie d'un projet de résidence créative artistique « inattendue » qui s’est déroulée au sein d’EHPAD (St Joseph et Indigo) auprès de pensionnaires. Depuis sa création, le festival a à cœur le développement d’actions sociales avec les acteurs du territoire. Cette première résidence marque ainsi un premier pas significatif très positif et encourageant.

La partie "terrain » de cette résidence de création, menée sur 4 jours, vient de se terminer. "Aimer Manger Nîmes » tel est le nom de cette résidence et de l’ouvrage qui sera édité, publié et diffusé dès l’ouverture du festival, au 1er juillet 2022. Dirigé par Laura Lafon, photographe et directrice artistique du magazine Gaze, et Léo Pico, illustrateur et graphiste à Libération - un duo créatif qu’on aime beaucoup - Aimer Manger se fonde sur des récits de vie et des images captées au travers de moments concrets de « cuisine » partagés des aînés : s’y révèle l’amour des bonnes choses à manger mais pas que, l’histoire de recettes, l’histoire de la vie, de moments et tranches de vie simples. Laura et Léo reviennent pour nous sur le sujet, le projet et la semaine vécue en EHPAD.

Comment vous êtes-vous rencontrés, Laura Lafon et Léo Pico ? Et comment est née cette idée d’un travail artistique en collaboration avec des personnes âgées ? Aimer Manger a eu une première édition, pourriez-vous nous recontextualiser tout cela?

-Notre rencontre avec Laura remonte à bientôt 8 ans, bien avant le projet Aimer Manger. Il y a 4 ans, nous avons déjà travaillé ensemble avec Laura au sein d’un magazine hebdomadaire qui n’a malheureusement pas duré très longtemps mais qui nous a permis de nous amuser graphiquement et photographiquement. C’est juste avant le covid et les confinements que Laura est venue me voir pour mettre en page et trouver une identité à son projet “Aimer Manger” qu’elle venait de créer dans le cadre d’une résidence dans le Tarn. Nous avons travaillé quelques mois ensemble à sélectionner les photos qu’elle avait faites, éditer les textes qu’elle avait recueillis et mettre en forme le tout. Le projet porté par Laura a tellement bien fonctionné et trouvé son public que nous avions à coeur de le faire perdurer dans différents contextes. C’est à ce moment-là que Sarah est apparue avec l’idée de transposer “Aimer Manger” au sein d’un ehpad, en partenariat avec la Croix Rouge à Nîmes. Bien que n’ayant jamais travaillé artistiquement avec des personnes âgées, nous avons de suite accepté et nous voici.

Le projet arrive au moment où sont révélés de nombreux scandales dans les EHPAD. Comment imaginez-vous repenser le lien aux anciens, dans la vie en général mais aussi grâce à ce projet “Aimer manger” ?

-Nous n’avions pas forcément pensé aux révélations liés aux scandales Orpea ou autres ehpad avant de venir à Nîmes. Bien sûr, nous nous demandions dans quel état nous allions trouver les bâtiments et les chambres mais nous comptions nous adapter pour être au plus près de la réalité que vivent les personnes âgées.

Le fait de baser cette résidence sur le volontariat nous permettait également d’avoir un public prêt à discuter et enclin à nous recevoir. Le lien intergénérationnel était alors facile à créer. Amener une cuisine, discuter, prendre des photos des résident·es et les mettre de ce fait en avant, les rendre heureux·ses, tout cela dans l’intimité de leur chambre, c’était le but de cette résidence à nos yeux.

Quelle importance donnez-vous au “Aimer Manger” dans vos vies et pourquoi axer la résidence sur ce canal de réflexion?

-L’intérêt pour la nourriture. L’amour est bien sûr partout en filigrane. Cuisiner, parler, discuter, partager, se livrer. Tout cela nous le faisons au quotidien, 

Aimer et manger, c’est ce qui nous relie tous et toutes. C’est un projet simple, qui permet d’aborder des questions très intimes, et comme tout ce qui est intime, c’est politique !

Comment s’est déroulée la résidence et quel est votre ressenti à chaud en rentrant chez vous?

-Ce fut une semaine très émouvante. Nous avons été surpis.e par la facilité avec laquelle les personnes rencontrées se sont confiées. Elles semblaient très heureuses de participer à ce projet. Faire la cuisine permet de retrouver des gestes quotidiens, et de se plonger dans des souvenirs en étant accompagné·es par des odeurs et des saveurs familières. Les témoignages recueillis sont parfois durs, l’amour au-delà de l’idée simpliste du romantisme brasse parfois des sujets violents, notamment des violences sexistes. Être deux artistes invité·es était une vraie chance, nous avons également beaucoup rigolé, notre duo fonctionne bien ! Comme Léo réalise ses illustrations en-dehors de la résidence, il était plutôt en cuisine pour assister les résident·es, pendant que moi je les cuisinais pour tout savoir de leur vie et sur les histoires d’amour et de cul secrètes à l’Ehpad !

Quel support traduira ce travail en résidence et quelle forme prendra-t’il ?

-Un livre va être édité et proposé à la vente pendant le festival Nîmes s’illustre. À l’intérieur, des photographies, des illustrations et des témoignages des résident·es des Ehpad, autour de l’amour et de la cuisine.

Est-ce que vous prévoyez d’autres projets de la sorte dans le futur ?

-Laura réalise un troisième volet Aimer Manger pour une exposition à Bruxelles en mai, pour le Parcours d’artistes de Saint-Gilles. Concernant le travail en duo, nous sommes ouvert·es à toute invitation ! Aimer Manger peut se décliner sous plein de formes.

Merci à Laura et Léo pour cette interview !